15 mars 2018

Il n’y a pas de roses sans épines

Kirby Star Allies, disponible sur Switch

1-4 joueurs en local

 

 
 
Un jeu violent n’est pas forcément un mauvais jeu. À l’inverse, un jeu tout coloré et mignon, n’est pas nécessairement un bon jeu. Bien entendu, je ne fais pas là référence au contenu visuel uniquement, mais bien à sa substantifique moelle, ce qui fait qu’un jeu est plaisant ; à ses mécaniques, ce qui en fait un produit bien conçu, proposant une activité intéressante. Un bon jeu présente donc une interactivité cohérente, qui amène le joueur à surmonter des épreuves par lui-même, en se servant des habiletés acquises lors des expériences qui ont précédé. C’est avec cette brève introduction un peu théorique, que nous pouvons évaluer le cas de Kirby Star Allies, fraîchement arrivé en exclusivité sur la Switch. Pour ceux qui ne le connaissent pas, Kirby, la petite boule rose, figure parmi les icônes de Nintendo, mais il reste assez discret. Il fait plutôt partie des « seconds couteaux », dans l’ombre des grands Mario, Link, Samus ou Pikachu. Il est pourtant âgé de plus de 25 ans, mais après des démarrages fulgurants, il n’est aujourd’hui sorti des cartons que pour des jeux qui prennent souvent un arrière-goût de « bouche-trou ». En l’occurrence, le petit héros attachant, qui aspire ses ennemis pour leur piquer leurs pouvoirs, revient dans un jeu de plateformes très classique. Quatre joueurs peuvent parcourir cette aventure en simultané et ceci pose les bases d’un concept de collaboration qui aurait pu faire mouche. En effet, chaque personnage dispose d’une aptitude (eau, feu, vent, électricité,combat, etc.) qui peut être combinée avec celles des autres, pour obtenir différentes sortes d’outils ou d’attaques. Cette idée a de quoi séduire et l’on voit aisément comment cela pourrait créer une dynamique participative de réflexion collective. Mais une idée seule ne fait pas un bon jeu. Le gros écueil vient de la manière dont sont amenées les choses. Pour chaque obstacle à surmonter, la solution est fournie d’office. Il aurait été intéressant de proposer aux enfants (car c’est à eux que s’adresse le jeu) de pouvoir réfléchir à quel pouvoir utiliser et combiner pour triompher. Au lieu de ça, l’ennemi possédant la compétence utile est systématiquement positionné juste à côté. Comme si l’on demandait de trouver un moyen astucieux d’enfoncer un clou pour pouvoir progresser, et qu’un marteau était systématiquement posé devant celui-ci, bien en évidence. Un peu pauvre la réflexion. Le « level design » fait également pâle figure. Il s’agit de la construction du niveau dans lequel évoluent les personnages (Où mettre des plateformes ? Est-ce qu’il faut aller de gauche à droite, l’inverse, ou de haut en bas ? Quelle forme adopte le décor ? etc.). Il ressemble ici à un électrocardiogramme plat. Et ce n’est pas seulement une métaphore, puisque les différents mondes traversés ne proposent quasiment pas de variation dans leurs constructions. Dernier point noir, et après j’arrête de m’en prendre à cette petite bouille toute mignonne : lorsque l’on joue seul, les trois autres personnages sont incarnés par l’intelligence artificielle et elle est si efficace, que l’on peut se contenter de les laisser faire tout le travail. N’oublions pas que la force des jeux vidéo est aussi de pouvoir mettre les joueurs (et surtout les enfants) en échecs et de les encourager à se dépasser pour surmonter ces épreuves. Proposer un jeu trop facile et mal pensé, sous prétexte qu’il n’est pas violent, donc idéal pour les plus jeunes, n’est pas nécessairement un gage de qualité et n’aide pas forcément à développer un esprit critique dans ses choix de jeux.
 

Le jeu reste néanmoins très beau, reconnaissons-le-lui.

 

Un pour tous, tous pour moi !

 
 

Pour découvrir le contenu en regardant des joueurs rediffusant leurs parties :

https://www.twitch.tv/directory/game/Shadow%20of%20the%20Colossus

Niels Weber est psychologue-psychothérapeute FSP et est spécialisé en hyperconnectivité
niels.weber@semperludo.com
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photo de l'auteur

Niels Weber

Psychologue-Psychothérapeute FSP systémique, spécialisé en hyper-connectivité et thérapie de famille.

Il travaille en Suisse sur les thématiques d'usages excessif des écrans, notamment avec des familles. Il utilise le jeu vidéo comme outil thérapeutique et garde un œil attentif sur l'actualité du média (nouveautés, tendances, impacts, etc.). En parallèle à ses activités professionnels, il dirige bénévolement un site de critiques de jeux (www.semperludo.com), ainsi qu'une association de joueurs à l'échelle nationale (www.gamingfederation.ch), à travers laquelle ils visent une pratique du jeu vidéo responsable.


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