Les jeunes et les écrans : le point sur les mesures gouvernementales
Entre déclarations tonitruantes largement relayées dans les médias et réalité de leur mise en œuvre, où en est-on sur les mesures gouvernementales de régulation des écrans et des réseaux sociaux annoncées sous la présidence d’Emmanuel Macron ?
Depuis plusieurs années, pas une saison sans commission gouvernementale sur les écrans et les jeunes. Chacune énonce ses préconisations, mais des écrans interdits aux moins de 3 ans aux réseaux sociaux interdits aux moins de 18 ans, en passant par l’interdiction du smartphone avant 13 ans, quelles sont en réalité les mesures qui ont été prises ? C’est parce que tout le monde s’y perd – et moi la première ! – que j’ai eu envie de poser sur le papier ce petit état des lieux.
1. La loi du 3 août 2018 (article L.511-5 du Code de l’éducation)
Elle interdit l’usage du téléphone portable dans les écoles et collèges. Mais toute la question est : comment appliquer cette loi ? Jusqu’ici, les établissements posaient généralement dans leur règlement intérieur que les mobiles devaient rester dans les sacs et ne pas apparaître en cours.
2. Juillet 2023 : la loi sur la majorité numérique
La majorité numérique à 15 ans a été votée en juillet 2023, mais il n’y a toujours pas de décrets d’application. Cette mesure voulait responsabiliser les parents en rappelant qu’ils sont propriétaires des données personnelles de leurs enfants et qu’ils doivent donc donner leur autorisation à toute divulgation que ceux-ci pourraient en faire. En pratique, il s’agissait d’obliger les plateformes à ne pas se satisfaire d’une inscription des enfants qui survient bien souvent dès l’âge de huit ou neuf ans, bien qu’ils prétendent être plus âgés, et de les contraindre à mettre au point un système dans lequel les tuteurs légaux devraient donner leur autorisation à l’inscription de tout mineur de moins de 15 ans. Jusqu’ici, la mise en œuvre n’a pas été possible parce qu’elle a été jugée incompatible avec le droit européen, et aussi parce qu’elle pose le problème technique de vérification de l’âge réel de la personne qui s’inscrit.
3. Avril 2024 : le rapport « Enfants et écrans, à la recherche du temps perdu »
À ce jour, une seule mesure a été prise, par un arrêté de juillet 2025. Elle concerne l’interdiction de toute exposition aux écrans pour les enfants de moins de 3 ans dans les structures d’accueil du jeune enfant (crèches, assistantes maternelles, etc.). La mise en place effective des recommandations dans toutes les collectivités, écoles et structures d’accueil devrait prendre du temps, avec des adaptations locales. En revanche, la généralisation de cette interdiction au milieu familial se heurte à un problème de faisabilité et de contrôle.
Toutes les autres préconisations n’ont à ce jour pas d’inscription dans la loi. Pour mémoire il s’agissait :
• De l’interdiction des téléphones mobiles avant l’âge de 11 ans
• D’attendre 13 ans pour les téléphones avec accès Internet, mais toujours sans réseaux sociaux ou contenus illégaux
• De réserver l’accès aux réseaux sociaux aux plus de 15 ans, et uniquement aux réseaux sociaux dits « éthiques »
• De limiter les fonctions système des plateformes / services conçus pour capter l’attention de façon addictive, et de renforcer la protection des enfants contre les contenus inappropriés
4. Avril 2025 : Commission TikTok
Les préconisations de la Commission TikTok, qui reprennent largement celles du rapport de 2024, n’ont pour l’instant pas d’inscription légale :
• L’interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans, avec la nécessité d’un accord parental avant cet âge (la loi sur la majorité numérique à 15 ans a bien été votée en 2023, mais il n’y a pas de décrets d’application à ce jour)
• Couvre-feu numérique pour les 15-18 ans (réseaux sociaux inaccessibles de 22h à 8h)
• Téléphone mobile avec accès Internet seulement à partir de 13 ans, mais toujours sans réseaux sociaux
• Délit de négligence numérique pour les parents
• Mesure du respect des obligations des plateformes (vérification de l’âge, transparence des algorithmes, modération efficace, etc)
5. Septembre 2025 : Elisabeth Borne, ministre de l’Education Nationale, annonce la généralisation du dispositif « Portable en pause » au collège
Le dispositif « Portable en pause » a été expérimenté à la rentrée 2024 dans une centaine de collèges auprès d’environ 50 000 élèves, avec un dépôt du smartphone dans des casiers ou pochettes le matin, et retrait en fin de journée. Mais malgré les annonces ministérielles de la dernière rentrée, le déploiement du dispositif partout nécessite des investissements : casiers ou sacs pour sécuriser les téléphones, personnel pour permettre ce dépôt ou le contrôler…
Donc qu’est-ce qui a changé ? Rien en réalité ! Même si la mesure est votée depuis 2018, les modalités précises (où déposer le téléphone, sanctions, exceptions) restent à fixer via les règlements intérieurs.
Une petite suggestion…
Plutôt que de multiplier les commissions sur les jeunes et les écrans, qui aboutissent toutes aux mêmes constats à peu de chose près, ne serait-il pas temps de se concentrer sur la faisabilité des mesures ? On pourrait ainsi distinguer recommandations de santé publique et interdictions légales, lorsqu’elles apparaissent souhaitables et possibles, et écouter les jeunes pour mieux comprendre les bonnes pratiques, qui existent, et les encourager !
MNC