Manifesto

🏆 Distinction Internationale : Award 2013 du FOSI

Le Family Online Safety Institute est une organisation internationale à but non lucratif qui travaille à rendre le monde plus sûr en ligne pour les enfants et leurs familles. FOSI réunit des leaders dans l’industrie, les gouvernements et les secteurs à but non lucratif capables de collaborer et d’innover de nouvelles solutions dans le domaine de la sécurité en ligne. Grâce à la recherche, ressources, événements et projets spéciaux, FOSI favorise une culture de la responsabilité en ligne et encourage un sentiment de citoyenneté numérique pour tous.

 

Avec des tables rondes, des forums et des conférences dans le monde entier, FOSI joue un rôle important dans la conduite du débat international.

 

Le 6 novembre 2013, Serge Tisseron a reçu des mains du président du FOSI, à Washington, dans l’amphithéâtre du Ronald Reagan Building and International Trade Center, devant plusieurs centaines de personnes, la plus haute distinction de cet organisme pour sa campagne des balises 3-6-9-12.

📜 Notre combat

La question des outils numériques est un problème social qui ne se résoudra pas avec la seule dénonciation de leurs dangers, mais avec l’encouragement au plaisir de la créativité et de la relation, avec ou sans écran.

 

J’ai quatre enfants, et j’ai imaginé en 2008 les balises 3-6-9-12 pour réguler leur consommation d’écrans. J’ai d’abord parlé de « règle », mais j’ai ensuite renoncé à ce mot qui risquait de donner une idée fausse de ma démarche : apprendre à se passer des écrans, mais aussi apprendre à s’en servir, autrement dit apprendre tout aussi bien à identifier leurs dangers qu’à nous donner le désir de profiter de tout ce qu’ils peuvent nous apporter. C’est exactement la signification d’une balise qui peut indiquer à la fois, en mer, des récifs à éviter ou un trésor à explorer.

 

Depuis 2008, l’objectif fondamental n’a donc pas changé : comprendre les impacts que les images ont sur le développement de nos enfants, et le nôtre, et construire ensemble une société connectée, responsable et créative grâce à une prévention raisonnée et une éducation avisée.

 

C’est pourquoi, en 2006, alors que tous les regards étaient tournés vers les conséquences des images violentes sur les enfants et les adolescents, j’ai tiré la sonnette d’alarme en dénonçant un autre danger : la violence que les images font aux très jeunes enfants. Et j’ai lancé la pétition « Pas d’écrans pour les moins de trois ans », puis publié un ouvrage au titre prémonitoire, « Les dangers de la télé pour les bébés » (éres, réédité en version augmentée en 2018).

 

J’y dénonçais à la fois la façon dont la télévision détourne les enfants d’apprentissages indispensables, notamment dans les domaines sensoriels, moteurs et relationnels, et l’incroyable cynisme des fabricants de programmes, qui n’ont souvent pas d’autre préoccupation que de capturer leur attention pour en faire de futurs consommateurs soumis. Le sous-titre de cet ouvrage était d’ailleurs parfaitement clair : « Non au formatage des cerveaux ».

 

La même année, et partant du constat que la seule opposition à la télévision n’était pas suffisante pour faire changer les pratiques familiales, j’ai proposé la création d’une activité théâtrale à destination des jeunes enfants, pratiquée par les enseignants après une formation préalable : le Jeu des Trois Figures (www.3figures.org). Cette activité bénéficie maintenant d’un agrément de l’Education nationale. Elle est destinée à stimuler chez les enfants les échanges en face à face et la reconnaissance des mimiques, la capacité de se mettre émotionnellement à la place d’autrui en jouant alternativement plusieurs rôles, et à développer une attitude active qui invite notamment les victimes à dénoncer les agressions qu’ils subissent.

 

Mon insistance sur la nécessité de développer de bonnes pratiques, à une époque où l’Académie américaine de pédiatrie s’en tenait à préconiser la limitation du temps d’écrans, m’a valu de recevoir en 2013 à Washington un AWARD du Family Online Safety Institute (FOSI) destiné à récompenser chaque année une importante contribution à l’encouragement des bonnes pratiques d’écrans. Car nous sommes passés en quelques années d’une logique de consommation à des possibilités quasiment infinies de création.

 

Aujourd’hui, ce sont les outils numériques confiés aux plus jeunes qui inquiètent, et l’abus par les adolescents des réseaux sociaux et des jeux vidéo. Il est heureux qu’une prise de conscience se fasse enfin ! Mais ne nous contentons pas d’interdire les écrans en croisant les doigts pour que nos enfants sachent plus tard en faire un bon usage. Le problème, aujourd’hui comme hier, reste le même. Comment construire une société solidaire basée sur la reconnaissance réciproque et les indispensables valeurs d’empathie dans un monde hyperconnecté ? Il existe bien entendu des parents mal informés, par exemple sur les dangers de la télévision dans la chambre. Mais il en existe d’autres qui n’allument pas la télévision pour leurs enfants, mais pour eux-mêmes. Un problème majeur consiste dans la solitude d’un grand nombre de parents et le délitement du lien social.

 

L’association 3-6-9-12, qui fait partie de la Fédération Petits Laboratoires d’Empathie (PLEM), s’est fixé pour objectif de s’atteler aussi à ce problème. C’est pourquoi nous associons toujours nos propositions de conférences à trois autres formes d’intervention : des questionnaires à faire passer dans les classes et dans les familles sur les pratiques d’écran de façon à favoriser les échanges entre parents, enseignants et enfants autour des résultats ; l’aide à la constitution d’un festival de création numérique pour les adolescents, pour favoriser les relations intergénérationnelles ; et la création d’une semaine « pour apprendre à voir autrement », pendant laquelle chacun essaie de réduire sa consommation d’écrans à ce qui l’intéresse vraiment, tandis que sont mises en place des activités sociales alternatives aux écrans.

 

Plus que jamais, il nous faut concilier la nécessité de protéger nos enfants les plus jeunes des écrans, et celle de leur apprendre progressivement à s’en servir, pour mieux savoir s’en passer. Les balises 3-6-9-12 ont été conçues pour nous y aider.

 

Diffusons-les, sous la forme des flyers et des affiches téléchargeables sur ce site.

 

Devant un écran, on ne voit pas le temps passer, ou bien alors, on zappe et on change d’écran. L’explosion d’images, de sons et d’informations qui s’y succèdent très vite crée un plaisir permanent et immédiat. Et nous sommes autant menacés d’y passer trop de temps que nos enfants ! C’est tous ensemble que nous transformerons notre relation aux écrans.

 

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Serge Tisseron

 

Psychiatre, membre de l’Académie des Technologies, docteur en psychologie habilité à diriger des recherches en Sciences Humaines Cliniques, chercheur associé à l’Université de Paris. Site : http://www.sergetisseron.com