17 septembre 2021

EDITO – Septembre 2021

Le conseil national du numérique (CNNum) se penche sur la question de l’utilité du numérique dans l’appropriation des savoirs

Le conseil national du numérique (CNNUM), dont les membres ont été renouvelés en février 2021, a décidé de consacrer sa réflexion à la place que le numérique peut prendre dans la construction des savoirs, sans pour autant ignorer ses dangers, liés notamment aux algorithmes utilisés sur les réseaux sociaux et les jeux vidéo en ligne pour amener les utilisateurs à rester toujours plus longtemps, à apporter toujours plus de données personnelles et éventuellement à payer plus. Une nouvelle science est même née pour renforcer l’efficacité de ces algorithmes, la « captologie ». Dans le domaine éducatif lui-même, les technologies ne sont pas toujours employées de manière stimulante. Résistons aux logiciels « éducatifs » qui se présentent sous forme de versions interactives de manuels scolaires ou, pire, aux logiciels “ludo-éducatifs” qui promettent des miracles !

Dans un premier temps, le CNNUm a d’abord identifié les quatre axes que l’éducation devrait s’employer à développer compte tenu des bouleversements actuels, indépendamment d’un recours éventuel au numérique. 

  • Axe 1 – l’esprit de partage et les pratiques collaboratives.

  • Axe 2 – l’esprit d’innovation construit sur le socle des savoirs traditionnels.

  • Axe 3 – l’inclusion des jeunes en situation de fragilité, et plus généralement des publics en difficulté face aux méthodes traditionnelles

  • Axe 4 – la capacité des futurs citoyens d’être maîtres de leur utilisation des technologies.

Dans un second temps, le CNNUM s’est demandé pourquoi faire une place au numérique pour remplir ces objectifs que d’autres, notamment la pédagogie de Montessori ou de Freinet, ont cherché à développer autrement ?

Tout d’abord, parce que la société, dont les élèves font partie, évolue et prend un virage numérique à un rythme que les écoles peinent à suivre. . . Si l’IA prend de plus en plus de place dans nos vies quotidiennes, est-ce que l’école pourra se permettre d’en faire abstraction, d’autant plus que seuls les gens qui ont une intelligibilité des algorithmes pourront se préserver un degré de liberté dans leurs usages des technologies numériques.

D’ailleurs, pendant la pandémie, l’usage déclaré de l’ordinateur à un rythme quotidien a fortement augmenté par rapport à 2019 (66 %, soit 19 points de plus), et la plupart des enseignants et les élèves ont été confrontés à une situation à laquelle ils n’étaient pas préparés.

Enfin, dans un troisième temps, le CNNUM s’est demandé comment les technologies numériques pouvaient, complémentairement avec d’autres stratégies, constituer des leviers pour faire évoluer ces différents domaines. Comment déployer le numérique pour renforcer les objectifs les plus fondamentaux de l’éducation, à l’école et en dehors de l’école. 

Il est alors apparu que le numérique bien pensé pouvait constituer un levier dans les quatre domaines identifiés.

  • La co-construction et le partage des savoirs

Les élèves peuvent s’enseigner et apprendre en communauté (Wikipedia, TikTok . . .), débattre avec leurs pairs, avec parfois avec une présence bienveillante virtuelle d’un adulte pour arbitrer, et certaines populations renouer avec l’enseignement, 

  • L’innovation 

Le numérique permet aux élèves d’essayer et d’échouer sans gêne, de lutter avec le matériel, et d’apprendre l’utilité des erreurs et l’échec. Il permet d’exploiter la motivation intrinsèque – une passion d’apprendre pour que l’apprentissage dure toute une vie. 

  • L’inclusion 

Le numérique permet de déployer des outils favorisant des modalités d’apprentissage différentes des apprentissages traditionnels. Donc permettre à des enfants actuellement en difficulté dans le système traditionnel d’être intégrés dans le milieu social éducatif malgré (et avec) leurs différences (élèves à TSA, sourds, bilingue, etc.), 

  • L’appropriation 

Le numérique permet de développer une culture numérique à la fois théorique et pratique (enjeux politiques et sociaux, histoire et anthropologie des techniques et des modèles économiques, ainsi qu’exploration de la programmation…) contribuera à développer un esprit critique, et contribuera à rendre les futurs citoyens maîtres de leur utilisation des technologies.

Les travaux définitifs feront l’objet d’une publication.

Serge Tisseron

Membre du Conseil national du numérique

Serge Tisseron est psychiatre, docteur en psychologie habilité à diriger des recherches, membre de l’Académie des technologies, chercheur associé à l’Université de Paris (CRPMS).

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Serge Tisseron

Psychiatre, membre de l’Académie des Technologies, docteur en psychologie habilité à diriger des recherches en Sciences Humaines Cliniques, chercheur associé à l’Université de Paris.