Goscinny et la critique de la bande dessinée
En tant qu’ardent admirateur d’Astérix, je trouve particulièrement captivant de plonger dans les récits et les discussions qui entourent l’univers de la bande dessinée et de ses créateurs emblématiques. Une pièce d’archive qui m’a profondément marqué est l’entretien de mai 1976 entre Bernard Pivot et René Goscinny, publié dans le magazine Lire n°8. Cette conversation offre un éclairage précieux sur le statut de la bande dessinée à cette époque, ainsi que sur les défis et les préjugés auxquels les auteurs comme Goscinny faisaient face.
La critique formulée à l’encontre de la bande dessinée dans les années précédentes, et évoquée par Goscinny lors de cet entretien (la BD pervertisseuse de la jeunesse), trouve un écho dans les débats contemporains entourant le jeu vidéo. De même, il est probable que cette critique se prolongera dans le futur à l’égard des médias immersifs et de l’intelligence artificielle. Cette récurrence soulève des questions intéressantes sur notre rapport aux médias et aux technologies émergentes, et sur la manière dont les sociétés évaluent et intègrent ces nouveaux outils dans le tissu culturel.
Il est intrigant de constater comment, à chaque génération, de nouvelles formes de création et d’expression sont accueillies avec une certaine réserve, voire avec méfiance, avant d’être progressivement acceptées et intégrées dans le mainstream culturel. Les réflexions de Goscinny sur l’accueil réservé à la bande dessinée à ses débuts rappellent les critiques actuelles adressées au jeu vidéo, souvent considéré comme une influence négative sur les jeunes. Pourtant, tout comme la bande dessinée s’est imposée comme un art à part entière, le jeu vidéo commence à être reconnu pour sa valeur artistique et son potentiel narratif.
Cette évolution dans la perception des médias nous amène à réfléchir sur ce que l’avenir réserve aux médias immersifs et à l’intelligence artificielle. La critique initiale pourrait bien céder la place à une acceptation et une appréciation de leur contribution à la culture et à la société. L’histoire de la bande dessinée, telle que racontée par Goscinny, nous encourage à rester ouverts et curieux face aux innovations, en reconnaissant leur potentiel à enrichir notre monde de manière inattendue.
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Question de Bernard Pivot : Aucun auteur de bande dessinée n’est parvenu à l’Académie jusqu’à présent ?
Réponse de René Goscinny : “Non, aucun, bien sûr ! Mais, vous savez, la bande dessinée, cela ne fait pas si longtemps qu’elle est considérée comme quelque chose d’estimable. A l’époque de mes débuts, il fallait avoir le cœur bien accroché pour se lancer dans la bande dessinée parce que nous passions dans l’opinion publique non seulement pour des ignorants et des abrutis, mais aussi pour des pervertisseurs de la jeunesse. Quand un gars avait commis un crime crapuleux, on expliquait que, dans son enfance, il lisait de la bande dessinée !”
Frédéric Tordo