L’arroseur arrosé
Il y a bien longtemps déjà que notre association se préoccupe de l’impact des écrans sur les enfants et sur nous tous.tes. Faut-il rappeler qu’en 2008, lors de la création des balises 3-6-9-12, la préoccupation essentielle était de prôner une éducation aux écrans et donc un usage limité et accompagné ? Il s’agissait des enfants bien sûr, mais grâce à eux et à travers eux, l’impact de la technoférence nous a conduit à penser l’usage des adultes. Cette initiative est née d’une inquiétude, celle de s’engouffrer dans la numérisation sans contrôle et d’en oublier que cet outil, comme tous ceux que l’homme a inventé jusqu’ici a des avantages et des inconvénients. A l’époque, certains s’intéressaient à notre démarche, des spécialistes ou des chercheurs qui voyaient là une attitude intéressante à prôner ou une façon d’être en avance sur le marché. Dans la société, peu d’intérêt tant l’attractivité était forte pour la nouveauté numérique. Un des premiers amalgames est arrivé avec la polémique des écrans qui rendraient les enfants autistes… Fort heureusement, cette désinformation a officiellement été démentie par la haute Autorité de la Santé en France. Mais ce n’était que le début. L’accélération de la numérisation a plongé la société dans l’inévitable surconsommation que nous redoutions et avec elle des amalgames, des confusions des angoisses.
Nous voilà donc face à la panique. Le gouvernement commande un rapport sur le sujet, des psychologues, sociologues, chercheurs.euses, pédiatres, donnent leur avis. Le constat est sans appel, notre société serait malade d’obésité numérique. C’est alors que les études, tant difficiles à mener tant il faut être précis dans les analyses et les protocoles, pleuvent à l’infini. Enfin, on les fait parler. Des livres occupent le rayonnage de nos librairies, des trucs et astuces sur comment faire avec les écrans deviennent des gagne pains et le sujet devient vite une opinion clivante. On est pour ou on est contre les écrans. Ils seraient définitivement toxiques ou admirablement aidants. Comme beaucoup de faits de société l’usage des écrans devient une opinion.
Lors de nos interventions nous sommes interpellés sur notre manque de positionnement clair, faut-il interdire oui ou non ? Est-ce néfaste oui ou non ?
3-6-9-12+ a toujours choisi d’apporter une réflexion sur un sujet complexe. Il ne s’agit ni d’une opinion, ni de croyances. Il s’agit d’étudier finement et précisément ce que la communauté scientifique livre sur le sujet et ce depuis le début. Sans conclusion facile, nous tenons un discours à la fois clair et nuancé et faisons appel à l’intelligence collective pour réfléchir ensemble à ce qui peut être fait en matière de prévention, d’utilisation et de restriction.
« Mais les gens ne comprennent pas » nous dit-on. Ah bon ?
Nous sommes désormais perçus par certains comme trop mous, trop permissifs inaudibles et peut-être même suspects. En effet, si d’autres ont des conflits d’intérêts, qu’est-ce qui prouve que nous n’en avons pas ?
Nous passerions donc de pionniers dans la prévention à coupable de notre laxisme ? Et même peut-être opportunistes ?
Que dire face à ces attaques qui ne font que renforcer le trouble et aiguiser le clivage ?
Nous sommes tous des professionnels.lles de l’enfance. Nous n’avons aucun conflit d’intérêts avec des sociétés commerciales, nous étudions finement les études internationales qui sortent régulièrement sur le sujet, sans faire d’amalgame entre corrélation et causalité. Nous pensons que se parler à plusieurs permet une meilleure prévention et un accompagnement plus efficace. Nous avons alerté dès 2008, et continuerons à le faire avec intelligence, nuance et professionnalisme.
