Les États généraux de l’information : afin que les citoyens ne soient plus objets, mais sujets de l’accès à l’information.
Les États généraux de l’information ont été lancés à l’initiative du Président de la République l’été 2023, avec pour objectif d’examiner les mutations contemporaines de l’espace informationnel, ont présenté leurs conclusions le 12 septembre 2024. À l’issue d’un an de travail, environ 200 recommandations ont été formulées par les 5 groupes de travail pour éclairer pouvoirs publics, médias et producteurs d’informations, et citoyens. En effet, le modèle économique des réseaux sociaux vise à maximiser l’engagement des utilisateurs et la viralité. Il favorise la diffusion de fausses informations générés par des intelligences artificielles au détriment de la fiabilité des contenus. C’est donc l’ensemble de l’espace public informationnel qui est déstabilisé.
Trois propositions ont été en particulier étudiées afin que les citoyens ne soient plus objets, mais sujets de l’accès à l’information : le pluralisme des algorithmes qui garantit le droit au paramétrage, fondé à terme sur un principe de dégroupage.
- Pour un pluralisme des algorithmes.
Les réseaux sociaux actuels favorisent les contenus viraux, souvent les plus haineux et les plus faux, il perturbe ainsi les personnes, et menacent la démocratie. Le pluralisme, c’est à la fois avoir beaucoup de médias et de producteurs d’informations, mais c’est aussi permettre aux usagers de hiérarchiser eux-mêmes les contenus auxquels ils souhaitent être confrontés et imposer aux grandes plateformes ce droit des utilisateurs à paramétrer leurs services et choisir ces alternatives. »
- Pour un droit au paramétrage (extraits d’un interview avec Celia Zolynski, professeure de droit)
Actuellement les utilisateurs voient leurs interactions orientées par le seul intérêt des plateformes. Le but est de de leur offrir la possibilité de paramétrer l’outil selon leurs intérêts. Ce paramétrage pourrait notamment concerner le niveau de notification, et ce que chacun voit apparaître comme contenus recommandés. L’utilisateur devrait pouvoir faire varier ces critères en fonction de son contexte d’utilisation, Dans un cadre professionnel, ses réseaux sociaux pourraient donc être paramétrés différemment que dans un cadre privé.
Dans un premier temps, l’utilisateur pourrait simplement sélectionner des contenus qu’il rencontre afin de signaler s’il souhaite ou non y être exposé. Dans un second temps, l’utilisateur aurait accès en tout temps à un tableau de bord ergonomique dans les paramètres de l’application pour adapter ses choix.
Pour que ce droit soit réellement mobilisé, il faut aussi penser le design pour rendre ce paramétrage désirable et ne pas proposer une modalité d’acceptation en bloc de tous les paramétrages par défaut. De même, il ne faut pas non plus avoir un choix trop fastidieux avec une liste trop longue de paramètres. Il faut véritablement penser un design adapté, avec des rubriques de choix bien identifiées et aisément accessibles pour ne pas décourager l’utilisateur
De même pour l’IA : chacun devrait pouvoir pré-paramétrer l’agent conversationnel selon ses propres intérêts et d’avoir la possibilité de le reparamétrer en permanence.
- Le dégroupage des réseaux sociaux (extrait d’une interview de Maria Luisa Stasi, avocate en droit de la concurrence)
« Les réseaux sociaux tels qu’Instagram, TikTok et autres offrent de nombreux services à la fois : entre autres, ils stockent le profil des utilisateurs avec toutes les photos, informations et contenus qu’ils peuvent télécharger ; ils organisent le contenu que les utilisateurs voient ou auquel ils ont accès ; ils suppriment ou suspendent les contenus ou comptes illégaux ; ils fournissent des services de messagerie instantanée. Tous ces services sont proposés sous la forme d’un paquet ou d’une “offre groupée”.
Cela contribue à l’enfermement des utilisateurs, qui se trouvent dans une situation où ils doivent “tout prendre” ou “tout laisser”. En outre, cette offre groupée a une valeur économique stratégique plus large pour les grandes plateformes. En proposant tous ces services ensemble, elles parviennent à la fois à se protéger de la pression concurrentielle et à priver les utilisateurs d’alternatives. Sans concurrence, ces plateformes ne sont pas incitées à améliorer la qualité de leurs services : elles ne sont pas obligées d’arrêter la surveillance des utilisateurs, la collecte excessive de données personnelles, l’utilisation de designs addictifs ou de faire taire certaines voix et d’en amplifier d’autres, sur la base de leurs seuls intérêts économiques.
Il est clair que l’offre groupée a un impact sur les droits fondamentaux des utilisateurs, tels que la vie privée et la liberté d’expression.
Dégrouper les réseaux sociaux et exiger des grandes plateformes qu’elles interopèrent avec d’autres fournisseurs permettrait de modifier ce statu quo, d’ouvrir le marché à la concurrence, de permettre à une communauté diversifiée de fournisseurs d’offrir leurs services et de donner aux utilisateurs la possibilité de choisir les services qu’ils apprécient le plus. Le dégroupage donnerait enfin aux utilisateurs la maîtrise de leur expérience en ligne.
Dès lors, si le dégroupage était mis en œuvre, à quoi ressembleraient les réseaux sociaux ? Pour les utilisateurs, le dégroupage des services signifierait que, lorsqu’ils créent ou possèdent un profil sur une grande plateforme (par exemple Instagram), il leur serait demandé s’ils souhaitent qu’Instagram lui-même ou un autre acteur (à choisir librement) fournissent le service de recommandation de contenus. De cette manière, les utilisateurs pourraient choisir des services de recommandation de contenus qui répondent à leurs préoccupations ou à leurs préférences. »
Ce texte a été rédigé à partir de la lettre d’information du conseil national du numérique publié en ligne le 12 septembre, et de fragments de deux des interviews qu’elle contient.
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