11 mars 2018

Des associations d’éditeurs de jeux vidéo lancent un appel à l’OMS

Le 1er mars, plusieurs associations d’éditeurs de jeux vidéo ont appelé l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) à revenir sur sa décision d’introduire dans sa prochaine édition de la Classification Internationale des Maladies (CIM-11) une entrée pour “l’addiction aux jeux vidéo”. Cette nouvelle entrée a d’ailleurs été largement discutée dans notre premier édito.
Parmi ces associations, nous pouvons retrouver l’International Software Federation of Europe (ISFE), l’Entertainment Software Association (ESA) ainsi que de nombreuses associations de différents pays (Royaume-Uni, Brésil, Corée, Canada, etc.).
Pour ce faire, elles appuient leur discours sur un article qui paraîtra prochainement dans le “Journal of Behavioral Addictions“. Cet article signé par 36 chercheurs de différentes Universités (Oxford, Johns-Hopkins, Stockholm…) est titré “A weak scientific basis for gaming disorder: Let us err on the side of caution“. Pour le résumer brièvement, les chercheurs ne nient pas l’existence d’une forme de jeu “pathologique”, mais tentent de faire comprendre le risque réel d’abus de diagnostic si le terme d’addiction venait à exister, ainsi que le manque trop important de consensus scientifique et de preuves formelles sur la question. Le sujet n’étant pas aujourd’hui suffisamment étudié en profondeur, que ce soit à travers des études transparentes ou à travers une meilleure délimitation du sujet, les auteurs concluent que faire apparaître cette entrée diagnostic dans la prochaine Classification Internationale des Maladies serait faire preuve de manque de prudence face à l’impact sociétal que ceci pourrait avoir.
C’est le discours que nous tenons depuis longtemps dans notre association 3-6-9-12. Pour éviter que les enfants et adolescents ne risquent des diagnostiques posés trop rapidement, ou d’être écrasés par une prescription médicamenteuse, les chercheurs se doivent de travailler plus en profondeur ce sujet qui s’avère être, à l’heure actuelle, aussi bien clinique que politique et économique. Comme le répète Serge Tisseron sur son blog : “Faire entrer le jeu vidéo pathologique dans la catégorie des addictions ne va évidemment pas démultiplier pour autant le nombre de psychologues, de généralistes, et de psychiatres susceptibles de s’en occuper. En revanche, les laboratoires pharmaceutiques auront tôt fait de convaincre les médecins généralistes qu’une réponse simple peut leur permettre de rassurer rapidement les parents qui amènent leur enfant joueur de jeu vidéo en consultation, pour ne pas dire se débarrasser d’eux : une prescription médicamenteuse remboursée par la sécurité sociale au titre d’une maladie reconnue. Dans moins de cinq ans, nous risquons d’assister à un scandale semblable à celui de la prescription de Ritaline, et pas seulement aux Etats Unis. Certains de ceux qui se réjouissent aujourd’hui de la création du « gaming disorder » le regretteront sans doute. Il sera trop tard.”

OD

 
 

Olivier est psychologue clinicien, actuellement en thèse à l’université Paris VII (CRPMS). Il est spécialisé dans le numérique et les enfants.

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Olivier Duris

Psychologue clinicien. Docteur en Psychopathologie et Psychanalyse.

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