27 juin 2020

Cinéma, télévision et Internet : comment mieux protéger nos enfants ? Un rapport demandé par le CNC et rendu public répond aux questions que tous les parents se posent

Quel parent n’a pas, un jour, emmené son enfant de 8 ans voir un film « tout public », parce que sans interdiction pour les moins de 12 ans, et découvert pendant la projection qu’il aurait préféré que son enfant n’en voie pas certaines scènes violentes ou érotiques ? Et quel parent ne s’est pas senti démuni d’apprendre que son enfant avait pu visionner des séquences pornographiques sur le téléphone mobile d’un camarade pendant la récréation ? 

En aout 2018, le CNC a mandaté Serge Tisseron pour faire des propositions sur le thème : Quelles protections pour les mineurs dans l’audiovisuel à l’ère d’Internet ?

 

Son rapport est ici : https://www.cnc.fr/professionnels/etudes-et-rapports/rapport/quelles-protections-pour-les-mineurs-dans-laudiovisuel-a-lere-dinternet_1130002

Il fixe pour premier objectif que les parents soient toujours parfaitement informés des contenus audiovisuels mis à la disposition de leurs enfants, au cinéma et à la télévision, afin qu’ils puissent exercer leurs responsabilités en connaissance de cause, et que sur Internet, certains programmes, notamment pornographiques, leur soient impossibles d’accès. 

1. Mieux informer les parents et protéger les enfants 

Aujourd’hui, il n’existe ni grille de référence permettant d’interdire certains spectacles aux mineurs sur des critères précis et validés par des scientifiques. Il n’existe pas non plus de conseils aux parents sur la qualité des spectacles proposés pour les mineurs de moins de 12 ans. 

Pour remédier à ce double problème, il est urgent de créer un comité d’experts indépendants chargé d’une double tâche. La première serait d’élaborer une grille d’évaluation des contenus audiovisuels en fonction de l’âge des enfants : 3 ans, 6 ans, 9 ans, 12 ans, 16 ans et 18 ans. Cette grille serait commune au cinéma, à la télévision et à Internet. 

La Commission de classification des œuvres cinématographiques (CCOC) continuerait à statuer sur les tranches d’âge supérieures à 12 ans (c’est-à-dire 12, 16 et 18 ans), comme c’est le cas aujourd’hui avant toute sortie en salles et diffusion à la télévision.  Toutefois, afin que la double vocation de la CCOC (que sont la protection de la jeunesse et le respect des œuvres) soit pleinement réalisée, nous préconisons que les comités de classification, qui assurent 90% du travail de classification et dont la décision est entérinée par la CCOC, ne puissent siéger qu’à la condition qu’une représentation équilibrée soit établie entre 50% de professionnels de la protection de l’enfance et 50% de représentants des professions du cinéma. Le quorum fixé serait donc forcément un nombre pair respectant la parité. 

Une autre commission, dont nous proposons la création, qui pourrait s’appeler la Commission de classification des œuvres cinématographiques pour enfants (CCOCE), ferait des préconisations pour les tranches d’âge inférieures à 12 ans (3 ans, 6 ans et 9 ans). Ces préconisations n’auraient aucune valeur contraignante et n’entraîneraient aucune charge supplémentaire pour les exploitants de salle. Leur rôle serait de conseil. Elles informeraient les parents lors de la sortie d’un film en salle et présenteraient l’avantage d’accompagner celui-ci dans toute sa carrière, que ce soit en VOD, en usage familial ou scolaire. 

Une seconde tâche de ce comité d’experts serait de créer des pictogrammes informant sur les raisons pour lesquelles certains spectacles sont déconseillés à certaines tranches d’âge, sur le modèle de ce qui existe déjà dans le cadre des jeux vidéo avec la norme PEGI.

Ces interdictions et ces préconisations apparaîtraient sur tous les supports, et notamment sur les affiches de films et les emballages de DVD, au démarrage de chaque film, de chaque bande annonce et de chaque programme télévisé.

2. Responsabiliser l’ensemble des fournisseurs de contenus

Tout fournisseur de contenu audiovisuel, qu’il s’agisse d’un particulier, d’une société ou d’une association, aurait l’obligation d’accompagner la mise à disposition au public de tout produit audiovisuel d’une double indication : Une indication sur l’âge souhaité (un « 3 » apparaîtrait par défaut), et un ou plusieurs pictogrammes éventuels indiquant la nature des images problématiques. Les particuliers, sociétés, institutions ou associations ne respectant pas ce principe, ou l’appliquant mal, seraient sanctionnables, sous la forme d’un avertissement et/ou d’une amende. Cette auto-évaluation serait validée – ou invalidée – en après-coup par la commission correspondante : la CCOC pour les préconisations « 12 » , « 16 » et « 18 » appliquées aux spectacles cinématographiques ; la CCOCE pour les préconisations « 3 », « 6 » et « 9 » appliquées aux spectacles cinématographiques ; le CSA pour les préconisations « 3 », « 6 », « 9 », « 12 », « 16 » et « 18 » appliquées aux programmes de télévision, avec possibilité de surenchérir sur les préconisations de la CCOC et de la CCOCE tout en respectant les mêmes tranches d’âge. 

Des préconisations particulières concernent les plateformes sur internet (Netflix Juniors, YouTube kids, YouTube et Facebook), ainsi que les sites pornographiques. Pour respecter le principe des informations qui doivent obligatoirement accompagner tous les programmes, les plateformes Internet s’engageraient à mettre en place des logiciels qui permettent de faire une première vérification des informations fournies par les particuliers et les entreprises mettant du contenu en ligne, et du personnel en nombre suffisant pour vérifier la conformité des œuvres à la grille préconisée par le comité d’experts. 

 

3. Mieux informer les interlocuteurs des enfants et en faire des personnes ressources

Enfin, les enseignants, éducateurs et animateurs socio-éducatifs, ainsi que les psychologues scolaires, seraient formés à la question des images et de leur réception par les enfants, à la fois dans le cadre de la formation initiale et de la formation continue. Cette formation/information pourrait associer les municipalités et les dispositifs existants.

 

Faisons connaître ce rapport ! Mieux informer les usagers, responsabiliser les fournisseurs de contenu et renforcer la formation des personnes ressources sont aujourd’hui les trois objectifs que doit viser la refonte de la législation en faveur d’une meilleure protection des jeunes publics dans l’audiovisuel à l’ère d’Internet. 

Serge Tisseron est psychiatre, docteur en psychologie habilité à diriger des recherches, membre de l’Académie des technologies, chercheur associé à l’Université de Paris (CRPMS).

photo de l'auteur

Association 3-6-9-12

Un regroupement de praticiens de terrain, de chercheurs et d’universitaires, qui souhaitent participer à une éducation du public aux écrans et aux outils numériques en nous appuyant sur les balises 3-6-9-12 imaginées par Serge Tisseron.