De l’écran au cerveau
Certaines idées préconçues ont la vie dure, comme celles qui partent du principe que les écrans « détruisent » nos cerveaux, altérant irrémédiablement nos capacités intellectuelles. Des journalistes peu scrupuleux mettent même en avant une soi-disant forte causalité entre utilisation des écrans et baisse du QI. Il n’est pas rare d’entendre des parents dirent que si leurs enfants passaient moins de temps sur leurs écrans, ils réussiraient mieux à l’école (et considèrent les écrans comme une cause plutôt qu’un symptôme). Pourtant, dans le cadre d’une utilisation dite « raisonnable », aussi bien dans un but d’apprentissage que de divertissement, sans invisibiliser les problèmes réels que peuvent amener une utilisation excessive, les jeux vidéo peuvent être bénéfiques pour le développement du cerveau.
Ainsi, des recherches en neurosciences ont démontré que certains jeux vidéo d’action pouvaient permettre à l’enfant (préscolaire à l’adolescent) d’améliorer son contrôle cognitif et sa flexibilité (switching), éléments essentiels à l’inhibition d’automatisme « surappris » et à la capacité à changer de stratégie (certaines difficultés d’apprentissage chez l’enfant étant en partie liées à ce défaut d’inhibition). En effet, dans les jeux vidéo, il est aisé de revenir en arrière pour modifier ses actions, en les adaptant mieux aux obstacles qui se présentent. On peut aussi répéter une même action mais avec différents paramètres comme refaire une quête difficile avec un meilleur équipement. Passer d’un personnage à un autre, lorsque l’on contrôle plusieurs personnages en même temps, ou ajuster les capacités de son personnage, permet d’apprendre à adapter sa stratégie, l’ajuster en développant ses compétences exécutives.
Par ailleurs, l’ordinateur et la réalité virtuelle (VR), à des fins ludiques et culturelles, sont des moyens d’améliorer le potentiel du cerveau à naviguer dans l’espace. On peut en effet, dans un monde virtuel, faire l’expérience de deux points de vue différents : le point de vue égocentré (= « qui correspond au vécu d’un trajet personnel ») et le point de vue allocentré (= « vision en survol ou cartographique »). Le fait de voir un monde depuis le mode allocentré permet au cerveau de réaliser des connexions qui ne se feraient pas forcément naturellement dans le quotidien d’un enfant lambda, et permet aussi à l’enfant de prendre littéralement du recul sur ses actions même hors du jeu. De plus, la VR permettant la possibilité de naviguer entre ces deux points de vue, développe ainsi une meilleure anticipation des actions et de leurs conséquences en lien avec une meilleure flexibilité spatiale. « L’ouverture à d’autres points de vue » spatial dans un premier temps peut se transférer au social pour une meilleure tolérance de points de vue différent du sien, meilleure coordination dans une équipe, etc.
Mettre en avant ce développement positif du cerveau par les écrans d’un point de vue biologique, neuronal, peut être une motivation pour en encourager les utilisations raisonnables : bien utiliser les écrans, c’est aussi prendre soin de son cerveau !
Naëlle Barabé
Bibliographie :
JF Bach, O. Houdé, P Léna, S. Tisseron (2013). L’enfant et les écrans – Un Avis de l’Académie des sciences. 108 – 117