EDITO : « Bienvenue ! »
Depuis 10 ans, divers mouvements anti écrans ont tenté d’imposer leurs slogans catastrophistes aux pouvoirs publics. Mais lorsque ceux-ci ont cédé à la tentation de les relayer, les résultats ont été catastrophiques ! Non seulement la consommation de média visuels a augmentée, mais il s’est avéré qu’un nombre important de jeunes n’avaient qu’une connaissance limitée des outils numériques. En Suisse, depuis cette année, la nouvelle brochure éditée à l’échelle nationale par l’OFAS (Office Fédérale des Assurances Sociale), dans éditée en 16 langues (3 langues nationales et 13 issues de la migration), s’appelle Conseils pour utiliser les médias numériques en toute sécurité. Et elle ne montre plus un enfant abruti devant un écran, mais deux enfants en train de jouer à un jeu vidéo !
Encadrer plutôt qu’interdire, encourager les activités de loisir sans médias numériques et donner le bon exemple, sont aujourd’hui les conseils de base donnés en Suisse par l’ensemble des professionnels de la petite enfance.
L’état du Luxembourg suit maintenant la même voie. Après avoir été cédé à la tentation de campagnes alarmistes, sa Ministre de la Santé a lancé le mardi 2 octobre, en compagnie de Serge Tisseron, une campagne directement inspirée par les balises 3/6/9/12. Le duché du Luxembourg rejoint ainsi les pays qui ont décidé de rompre avec une démagogie populiste rendant les écrans responsables de tous les maux pour organiser une véritable politique familiale et éducative autour des écrans (voir Nouvelles du monde).
L’Académie américaine de pédiatrie elle-même évolue. Alors que ses premières préconisations étaient purement quantitatives (seuls comptaient pour elle les temps d’écran, et de façon très restrictive), elle a édicté en 2016 de nouvelles recommandations qui ont rejoint les propositions faites depuis 2008 par les balises 3-6-9-12 : des recommandations moins restrictives en matière de limite d’âge et de durée, plus ouvertes au rôle des échanges familiaux autour des écrans, et reconnaissantes du fait que les technologies numériques offrent aux enfants de nombreuses possibilités de pratiquer des activités utiles à leur développement.
Bienvenue dans le cercle de ceux qui conçoivent l’éducation aux écrans comme une façon d’apprendre à s’en passer, et à s’en servir !
Serge Tisseron est psychiatre, docteur en psychologie habilité à diriger des recherches, membre de l’Académie des technologies, chercheur associé à l’Université Paris VII Denis Diderot (CRPMS).