« La nouvelle fabrique de l’opinion »

Facebook a déjà été épinglé par le congrès américain quant à son rôle dans la polarisation de la vie politique américaine. Mais à notre échelle de simples utilisateurs, sommes-nous vraiment impactés par les publications de Facebook ? Quel est l’impact de Facebook sur la formation de nos opinions politiques ?

Pour s’en faire une idée, le réalisateur Thomas Huchon a choisi de mener son expérience en 2019, année des élections européennes, avec 6 étudiants journalistes de Sciences Po. Ensemble, ils ont créé 6 profils de jeunes fictifs ayant des opinions politiques divergentes, et observé les pages Facebook de ces différents profils. Il a également fait appel à des spécialistes et scientifiques pour analyser les faits constatés.

Amis et ennemis :

Il se trouve que tous les amis proposés par Facebook aux divers profils étaient des utilisateurs du même bord politique que le personnage fictif en question. Pas d’utilisateurs partageant une passion pour le même sport ou la même musique, mais bien pour le même parti politique. Et ils ont constaté que, dans chaque profil, un ennemi apparaissait clairement, allant du gouvernement aux gilets jaunes en passant par les terroristes islamiques selon les bords politiques. Une entre-soi, donc, créé par l‘algorithme. 

Des bulles informatives :

Pour vérifier factuellement ce ressenti des journalistes, les 10 premiers posts apparaissant sur chacun des 6 profils ont été étudiés pendant 30 jours. Le résultat fut sans appel : sur 2000 publications étudiées, 1920 publications ne sont apparues que sur l’1 des 6 profils. Sans être une étude d’assez grande ampleur pour pouvoir généraliser ses conclusions, elle permet tout de même de confirmer que la sensation des journalistes était juste : Facebook les a plongés tous les 6 dans une « bulle informative ».

Un discernement difficile :

D’ailleurs, malgré le recul préliminaire qu’ils avaient, les journalistes ont senti qu’ils devaient faire un effort de détachement pour ne pas plonger dans l’idéologie de leur faux personnage. Les spécialistes interrogés expliquent cela par l’effet de la bulle informative qui donne une vision très partiale du réel ; par la difficulté à discerner les sources fiables ; et par les contenus fortement émotionnels favorisés par l’algorithme pour capter l’attention des utilisateurs le plus longtemps possible à des fins commerciales.

Si ces journalistes, dans le cadre d’une expérience voulue et contrôlée, ont senti cet impact sur leur vision du monde, alors chacun peut se demander s’il n’est pas lui-même plus impacté qu’il veut bien le croire.

Ce documentaire n’est pas une étude scientifique irréfutable, mais il ne prétend pas l’être. Il se veut révélateur de consciences. C’est une démonstration par l’exemple qu’une réelle étude poussée sur ce sujet particulièrement sensible est nécessaire afin d’aboutir à une régulation adaptée pour protéger utilisateurs et systèmes politiques. Et, en ce sens, il atteint son but.

Pour voir le documentaire : https://www.spicee.com/content/la-nouvelle-fabrique-de-lopinion-1630

Hélène Blondel