29 mars 2024

Le dernier baromètre IFOP de décembre 2023 sur l’impact du numérique sur les 0-6 ans

(IFOP – Fondation pour l’Enfance – LER)

La Fondation pour l’Enfance dévoile les résultats du 2ème baromètre croisé entre parents et professionnels de la petite enfance sur l’impact du numérique sur le développement des jeunes enfants (602 parents interrogés, 200 sage-femmes et 100 infirmier.e.s puériculteur.trice.s).

Les outils numériques et leurs usages sont en grande majorité perçus comme ayant des effets néfastes sur le développement de l’enfant : 76% des professionnels interrogés ont déjà envisagé un lien entre surconsommation d’écrans et difficultés développementales chez un enfant, et 96% des parents ! Les autres facteurs (sommeil, nutrition, environnement affectif…) ont un impact considéré comme équivalent pour les parents, et moindre pour les professionnels. Beaucoup de parents (64%) constatent un accroissement des troubles comportementaux lors des moments d’exposition aux écrans (impatience, énervement).

Mais curieusement, cette perception n’a que peu d’influence sur les comportements de régulation des parents. Si la majorité des parents affirment contrôler les contenus et/ou le temps d’exposition, très peu tiennent les plus jeunes, de moins de trois ans, totalement à l’écart des outils numériques (17% seulement). Leur attitude demeure ambivalente, et le contrôle sur les usages d’écran est d’autant plus difficile à exercer que les parents sont eux-mêmes de grands utilisateurs.

Les professionnels de la petite enfance se rendant à domicile constatent très fréquemment des écrans allumés alors que personne ne les regarde, des parents sur leur téléphone mobile alors même qu’ils s’occupent de leurs enfants, des parents qui ne parviennent à calmer leur enfant qu’en lui confiant un écran.

Par ailleurs, 84% des parents interrogés filment leur enfant pour documenter ses progrès, 75% envoient des photos et vidéos à leurs proches via WhatsApp, 44% postent des photos et vidéos sur les réseaux sociaux, et 32% ne voient pas quels problèmes cette pratique peut poser…

Les professionnels de la petite enfance plaident pour un renforcement des campagnes de sensibilisation et d’information. Ils disent connaître les campagnes et recommandations existantes et les trouvent claires… alors que les parents les jugent souvent éloignées de la réalité quotidienne (66%) et difficiles à appliquer. 56% des parents pensent qu’elles sont basées sur des opinions plutôt que sur des études scientifiques, et 40% d’entre eux les trouvent trop alarmistes.

Parmi les usages d’écran que les parents sont prêts à revoir, on trouve : l’instauration de temps d’activité communs sans écran (56%), la prise du repas sans télévision (51%), le fait de ne pas utiliser leur mobile quand ils se trouvent avec leur enfant (47%).

Curieusement, les professionnels interrogés n’abordent pas toujours la question des écrans dans leurs consultations (49% seulement). C’est probablement dommage, car un lien privilégié et individualisé est souvent un bon support pour faire passer des messages, voire imaginer de petits challenges ou de petits contrats avec les familles.

La Fondation pour l’Enfance appelle à faire du numérique un véritable sujet de santé publique afin de susciter une prise de conscience généralisée. Celle-ci doit passer par la diffusion de messages précis et non-culpabilisants sur les bonnes pratiques à adopter pour favoriser un usage raisonné des écrans.

De notre côté, nous tirons de cette nouvelle enquête les enseignements suivants :

  1. Les campagnes de sensibilisation semblent peiner à convaincre. Nous nous interrogeons sur un éclatement des messages, à l’instar de ce qui se passe sur internet. Beaucoup d’associations et de collectifs se sont mis sur le créneau des écrans, avec des discours parfois plus idéologiques que raisonnés, et on peut comprendre que les familles soient perdues.
  2. À 3-6-9-12, nous travaillons à un protocole nous permettant d’évaluer l’impact de nos messages de prévention en termes de changements de comportement chez les familles. Car nous l’avons vu dans la lecture de ces chiffres : si les parents sont majoritairement convaincus par l’impact négatif des écrans, ils ne modifient pas pour autant leurs usages quotidiens…
  3. Cette enquête nous permet d’insister une fois de plus sur les impacts problématiques de la technoférence parentale, c’est-à-dire l’usage des outils technologiques par les parents dans les moments où ils s’occupent de leurs enfants.

Rappelons à ce sujet le petit livre de notre collègue Olivier DURIS, membre de l’association 3-6-9-12, « Quand l’écran fait écran à la relation parents-enfants » (Yapaka), accessible en suivant ce lien :

https://www.yapaka.be/sites/yapaka.be/files/publication/ta-135-duris-web.pdf. Également une interview sur le site de Yapaka : https://www.yapaka.be/video/video-comment-la-technoference-interfere-dans-la-relation-adulte-enfant.

Sans oublier nos affiches de prévention sur ce sujet, téléchargeables gratuitement : https://www.3-6-9-12.org/wp-content/uploads/2022/03/affiche-votreenfantregard_2019.pdf

photo de l'auteur

Marie-Noëlle Clément

Psychiatre, psychothérapeute, directrice de l'hôpital de jour pour enfants André Boulloche (Association CEREP-PHYMENTIN, Paris 10ème), membre des Petits Laboratoires d'Empathie fondés par Serge Tisseron, auteure de "Comment te dire ? Savoir parler aux tout-petits" (Pocket, 2018)