19 mai 2022

Pourquoi et comment adapter les contenus des écrans en fonction de l’âge des enfants ?

Focus sur le phénomène Squid Game

Sortie le 17 septembre 2021 sur la plateforme de streaming Netflix, la série coréenne « Squid Game » a beaucoup fait parler d’elle auprès d’un public dont elle n’était pas la cible : les enfants.

Dans cette série, les personnages mis en scènes rencontrent des gros problèmes d’argent. Ils sont sollicités pour participer au jeu Squid Game qui pourrait leur permettre de recevoir plusieurs millions d’euros en cas de victoire. Pour gagner, plusieurs jeux, associés à leurs souvenirs d’enfants sont proposés comme 1, 2, 3, soleil, le jeu des billes et d’autres. A chacun des jeux, les perdants sont tués sur le champ. Le « Squid Game » s’arrête lorsqu’il ne reste plus qu’un seul joueur. Celui-ci est alors nommé grand vainqueur et remporte la somme promise.

Sur Netflix, la série est interdite au moins de 16 ans. Pourtant, des faits de reproduction de scènes violentes dans les cours de récréation ont largement été relatés dans la presse. Dans plusieurs écoles, beaucoup d’enfants ont reproduit le mécanisme de la série. Les jeux de cour de récréation tels que ceux montrés dans la série ont été l’occasion de violence sur les perdants, en référence à la mort des joueurs du « Squid Game ».

Squid Game et cour d’école

Au visionnage de cette série, la première chose que nous constatons, c’est l’extrême violence présente dans chacun des épisodes avec un accroissement de celle-ci au fil des épisodes. Tout d’abord une violence quotidienne vécue par les protagonistes, puis le premier jeu qui tue et l’enchaînement des autres jeux où les perdants sont tués sur le champ. Enfin, par peur d’être tués, les protagonistes en viennent à devenir eux-mêmes tueurs pour se protéger.

Comment cette série est-elle arrivée au plus près de nos enfants ? Comme l’explique Serge TISSERON[1], la bande-annonce de la série est accessible par tous sur Youtube. Par ailleurs, en quelques temps, Squid Game est devenue viral : publicité à outrance sur les réseaux, produits dérivés, au point de devenir un phénomène numérique. Cette série a été tellement mise en avant que finalement, il est presque impossible de passer à côté et sans l’avoir vue, il est possible de la connaître. Quelles conséquences pour nos enfants ?

Dans l’une de ses vidéos Youtube[2], Frédéric TORDO, psychologue clinicien, explique que ces images violentes ont un fort impact émotionnel chez l’enfant. La régulation de l’émotion provoquée par l’image peut se faire de deux manières : soit l’enfant se coupe de ses émotions, soit il reproduit ce qu’il a vu car l’émotion est trop intense pour être digérée. Frédéric TORDO poursuit son propos en expliquant que moins l’image est adaptée au développement de l’enfant et plus l’impact émotionnel risque d’être important. L’enfant reproduit donc ce qu’il a vu dans la série en jouant pour mettre du sens sur ce qu’il a vu. Par ailleurs, l’imaginaire et la réalité sont deux mondes encore mal différenciés durant l’enfance. Le fait que la série se déroule dans une cour de récréation géante brouille la frontière entre l’imaginaire et la réalité. Il est donc nécessaire pour l’enfant de visionner des contenus adaptés à son âge et par conséquent, à son développement.

Adapter les contenus selon l’âge : les recommandations

Pour adapter les contenus visionnés par nos enfants, il est d’abord possible de se référer à la signalétique du CSA : -10, -12, -16 et -18. Ces logos concernent le contenu télévisuel et indiquent l’âge à partir duquel les contenus diffusés sont accessibles. La signalétique PEGI (Pan European Game Information) concerne, quant à elle, les jeux vidéo avec des recommandations d’âges (3,7,12,16,18) auxquelles s’ajoutent les descripteurs de contenus indiquant si le jeu contient des grossièretés, du sexe, de l’argent, etc.

Pour autant, les contenus visuels ne possèdent pas tous de logo pour nous informer du contenu possiblement sensible. Les journaux télévisés, par exemple, n’en possèdent pas mais un avertissement oral, informant de la violence de certaines images, est réalisé avant la diffusion des reportages concernés. Sur internet ou les plateformes de streaming comme Netflix, il est également possible d’activer le mode « enfant » afin que les plus jeunes ne puissent pas avoir accès à tous les contenus proposés. Il en va de même pour Youtube qui propose un mode « Youtube Kids ».  Par ailleurs, les dessins animés ne possèdent pas de logos, pourtant, tous ne sont pas adaptés aux enfants. Pour cela, nous vous recommandons le site https://www.filmspourenfants.net/ qui indique l’âge à partir duquel un enfant peut visionner un dessin animé spécifique et indique également les différentes scènes et émotions abordées dans le dessin animé ou film.

Ainsi, au-delà des logos auxquels nous pouvons nous référer, il est essentiel de prendre en compte la personnalité et les sensibilités de l’enfant. Un logo indique l’âge moyen à partir duquel un contenu peut être vu mais ne prend pas en compte la personnalité individuelle de chaque enfant.

Elodie DELFRATE

Responsable activité prévention et promotion de ma santé, Mutualité Française Normandie


[1] TISSERON, S. « Comment parler de Squid Game à nos enfants ? », 9 novembre 2021

[2] TORDO, F. « Squid Game, la reproduction des images dans la réalité » 14 novembre 2021

photo de l'auteur

Association 3-6-9-12

Un regroupement de praticiens de terrain, de chercheurs et d’universitaires, qui souhaitent participer à une éducation du public aux écrans et aux outils numériques en nous appuyant sur les balises 3-6-9-12 imaginées par Serge Tisseron.