Sortie du nouveau livre de Serge Tisseron : “Vivre dans les nouveaux mondes virtuels”
Ce livre reprend quelques-uns des 200 billets que l’auteur, Serge Tisseron, a publiés à partir de 2005 sur son blog. Choisis par l’éditeur, ces textes traitent des relations croissantes entre les humains et le numérique, et ils sont commentés à chaque fois par l’auteur à la lumière des derniers résultats de la recherche scientifique.
Un commentaire revient souvent : l’apprentissage de l’usage du numérique “devrait commencer dès l’école maternelle et se prolonger tout au long de la vie“. L’auteur estime en effet que “les capacités d’autorégulation des enfants sont gravement menacées” par certains outils numériques, “conçus pour les détruire à tout âge, afin d’amener chacun à y rester toujours plus longtemps et à y apporter plus de clics, c’est-à-dire plus de données personnelles et plus d’argent“. Considérant qu’un enfant gros consommateur de télévision court le risque de devenir “un consommateur excessif de toutes les formes d’écran“, il pense également que la prévention des “écrans excessifs” à l’adolescence doit commencer “à la naissance“. Mais en même temps, il considère que la surveillance “abusive” pratiquée par certains parents “pourrit la vie de leurs enfants et bien souvent aussi leur avenir“. Quant à enlever à un adolescent son téléphone mobile, c’est “comme lui arracher une partie de lui-même“, car “le téléphone lui ouvre un espace de communications et d’échanges“. Enfin, l’auteur s’interroge longuement sur la réalité dite “virtuelle”, dont il est tant question aujourd’hui avec le projet des métaverses, mais dont beaucoup d’aspects sont déjà présents dans les jeux vidéo en ligne.
Une autre partie du livre est consacrée à la question de la robotique : “Le défi du XXIe siècle sera d’apprendre à interagir avec nos outils numériques comme avec un être humain, sans jamais oublier qu’ils ne sont que des machines“, écrit Tisseron. Et il recommande aussi que ces machines nous rappellent elles-mêmes « sans cesse » qu’elles ne sont que des machines. Car “le problème essentiel que va nous poser rapidement le développement des robots, n’est pas celui des droits de ces derniers, mais bien celui des droits des humains face à eux“. Tisseron juge que devraient être interdites à la fois “l’intelligence artificielle qui se fait passer pour un humain“, et “les publicités toxiques qui prétendent nous vendre des robots ayant des « émotions »“.
À propos des “robots soignants”, il souligne qu’”un contact humain vaut pour un malade mille fois celui d’un robot“, Quant aux “machines parlantes”, capables non seulement de converser avec nous mais aussi de “simuler des émotions”, Tisseron estime que le lien établi entre ce type de machine et son utilisateur peut “orienter les attitudes et comportements” de ce dernier, et “influencer” ses perceptions et ses souvenirs. “Au fur et à mesure que la voix des machines pourra être adaptée aux attentes et aux fantasmes de leurs utilisateurs, il deviendra de plus en plus difficile de leur résister“, s’inquiète-t-il. “Les robots de demain, ajoute-t-il, sauront nous écouter, déchiffrer nos intonations et nos mimiques, comprendre nos états d’âme et même nos états mentaux grâce à la connaissance qu’ils auront de nous par Internet.” Restons vigilants donc ! Ne laissons aucune machine grignoter ni nos libertés publiques, ni notre liberté intérieure !